Ziad Takieddine
Par Médiapart
Connu pour être le principal suspect dans le volet financier de l’affaire Karachi, Ziad Takieddine est bien plus que cela. Mediapart est en mesure d'affirmer qu'il est devenu à partir de 2002 un conseiller occulte et un financier de l’ombre au cœur du sarkozysme, de la conquête du pouvoir jusqu'à aujourd'hui, selon de nombreux documents exclusifs que nous nous sommes procurés.
Dans ce premier volet d’une série d’articles que nous allons consacrer à Ziad Takieddine, Mediapart dévoile plusieurs photos inédites qui attestent de liens jusqu'ici insoupçonnés, pour certains cachés, de l’homme d’affaires franco-libanais avec le premier cercle du chef de l’État. Sont concernés: l’ancien ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, l'ancien conseiller de Sarkozy Thierry Gaubert, l'actuel secrétaire général de l’UMP et ex-ministre du budget Jean-François Copé, et Dominique Desseigne, le patron du Fouquet's, où Nicolas Sarkozy a célébré sa victoire à l'élection présidentielle en mai 2007.
De nombreuses notes font également état de relations suivies avec Claude Guéant, proche de toujours de Nicolas Sarkozy et aujourd'hui ministre de l'intérieur. D'autres encore concernent très directement la politique libyenne de réconciliation spectaculaire avec le régime Kadhafi, sur fond de grands contrats, alors que le Parlement doit se prononcer mardi sur la guerre aujourd'hui menée.
Mediapart peut également révéler que M. Takieddine a reçu, entre 1997 et 1998, 91 millions d’euros pour la vente de frégates à l’Arabie Saoudite, validée en novembre 1994 par Nicolas Sarkozy en tant que ministre du budget. Et ce n'est pas tout: à partir de l'année 2003, Ziad Takieddine aurait par ailleurs consacré 11,8 millions d'euros à ce qui est décrit comme des «paiements secrets» en provenance de comptes offshore, selon des documents à notre disposition.
L’homme d’affaires de 61 ans raccompagnait ce jour-là en jet privé des journalistes du Journal du Dimanche partis interviewer le colonel Kadhafi. Placé en garde à vue comme un vulgaire “porteur de valises”, Ziad Takieddine avait expliqué, sans convaincre, que ces fonds correspondaient à «un transfert entre sociétés commerciales». La justice a ouvert une enquête préliminaire pour «manquements aux obligations déclaratives» et «suspicion de blanchiment», dont on est sans nouvelles depuis lors.
Ziad Takieddine a effectivement rencontré Thierry Gaubert lors de la campagne de Balladur. M. Gaubert avait suivi Nicolas Sarkozy de la mairie de Neuilly au ministère du budget – dans de petites fonctions de communication. Dans le même temps, Takieddine s’était également rapproché du couple Léotard qui venait skier dans la station Isola 2000 (Alpes-Maritimes), station qu’il avait gérée jusqu’en 1992.
Les deux hommes avaient partagé bien des secrets de cette campagne électorale.
L’élection perdue, M. Takieddine a néanmoins multiplié par 100 sa surface financière grâce aux marchés d’armement signés en 1994 par le gouvernement Balladur −
François Léotard était alors le ministre de la défense
Le yacht, le marchand d'armes et les ministres
Ziad Takieddine est l’homme d’un clan, qu’il aime réunir pour les grandes occasions. Ainsi, ce 27 juin 2002, il célèbre lors d’un fastueux dîner la victoire de la droite à la présidentielle et aux législatives, qui marque le retour en grâce − et au gouvernement − des ex-balladuriens.Parmi les invités, Renaud Donnedieu de Vabres, ancien membre de l’équipe de campagne de Balladur, ex-ministre aux affaires européennes et futur ministre de la culture; Jean-François Copé, secrétaire d’État aux relations avec le Parlement − qui avait soutenu Chirac en 1995 sans retrouver de place dans le gouvernement Juppé; Brice Hortefeux, alors membre du cabinet du ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy; Christian Estrosi, alors député; et… Thierry Gaubert, placardisé depuis sa mise en cause dans des affaires immobilières des Hauts-de-Seine. Étienne Mougeotte, alors vice-président de TF1, et Thierry Dassault, l’un des fils du célèbre avionneur, sont aussi invités.
Cet aréopage sarkozyste se retrouve régulièrement dans la propriété de Takieddine au cap d’Antibes. En août 2003, Jean-François Copé et Brice Hortefeux et leurs épouses partent ainsi en mer sur La Diva, le yacht de l’homme d’affaires. Voici, ci-dessous, une des photos de cette journée:
Ziad Takieddine en compagnie de Brice Hortefeux et Jean-François Copé et leurs épouses.
Août 2003.© Photo Mediapart
Questionné par Mediapart sur ces vacances mais aussi sur d’autres déplacements à Londres, à Venise et à Beyrouth − dont Mediapart a retrouvé la trace −, Jean-François Copé a confirmé que dans le cadre de «relations strictement amicales», «sans aucun lien» avec ses «activités électives ou ministérielles», il avait été à plusieurs reprises «invité» par Ziad Takieddine.
Selon nos informations, l’homme d’affaires a effectivement pris en charge, via la société Translebanon, les voyages de Jean-François Copé et de son épouse à Londres puis à Venise, en octobre 2004. Et encore une fois à Londres, en octobre 2005. En octobre 2003, il fait aussi visiter le Liban à celui qui est alors secrétaire d’État des relations avec le Parlement, comme en témoigne une photo ci-dessous:
Lors de ce voyage, l’intermédiaire des frégates saoudiennes et des sous-marins pakistanais dîne d'ailleurs avec le ministre dans la résidence de l’ambassadeur de France. «Ce voyage comportait en effet une partie officielle et une partie amicale», indiquait-on, dimanche 10 juillet, dans l’entourage du patron de l’UMP.
L’équipe de M. Copé n’a pas donné d’explication à Mediapart sur ce point. En particulier, il n’a pas indiqué si cet «avoir» correspondait à un remboursement finalement opéré par le ministre. «On ne voit pas de quoi il s’agit», précise-t-on du côté de l’UMP.
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