samedi 18 décembre 2010


Financement des Sénatoriales :
cinq élus Kamikazes
(pas Raffarin!)
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Ces cinq-là vont se faire des ennemis 

parmi leurs collègues du Sénat.

Dans un rapport publié jeudi 16 décembre, en «kamikazes», ces cinq membres d'un groupe de travail 
sur le dépoussiérage du droit électoral recommandent de mettre fin au régime d'exception 
dont jouissent les candidats aux sénatoriales.

Jusqu'ici, ces derniers échappaient aux règles encadrant le financement des autres 
catégories de campagnes (législatives, municipales, présidentielles, etc.). 

Pour Alain Anziani (PS), Nicole Borvo (PCF), Yves Détraigne (Union centriste),
Anne-Marie Escoffier (radicaux de gauche) et Jean-Pierre Vial (UMP), 
 il faut désormais en finir avec cette anomalie.
A quelle échéance?


La commission des Lois a certes adopté leur rapport et endossé la proposition.  

«Mais parmi nos 40 idées, c'est sans doute celle 
qui a le plus gêné les collègues
note Alain Anziani. Tout le monde n'est pas convaincu...» 



D'autres suggestions ont plus facilement emporté le morceau, comme celle 
de donner davantage de pouvoirs de sanction à la  

commission nationale qui contrôle les comptes des partis.

La réforme des sénatoriales a-t-elle la moindre chance d'être adoptée un jour?

Pas pour le scrutin capital et serré de septembre 2011, en tout cas. 
 Pour la suite, on verra...

. Normaliser ces élections est pourtant une urgence. 
    
Aujourd'hui, en effet, la loi n'impose aucune obligation de déposer un compte de campagne; 
aucune limitation des dépenses; aucun plafonnement des dons 
(habituellement restreints à 4.600 euros par bienfaiteur). 

Ce «détail» du code électoral, bien sûr, est connu des intéressés 
(et de quelques observateurs avisés), mais pas des citoyens lambda. 
Même le trésorier d'un grand parti politique, interrogé par Mediapart, l'ignorait jusque-là.


En fait, une seule des règles adoptées pour assainir la vie politique en France
(au lendemain des scandales politico-financiers des années 1980) s'applique aux sénateurs:
depuis 2000, ils n'ont plus le droit, en campagne, d'accepter les dons des entreprises
et des personnes morales en général (à l'exception des partis politiques).
Pour éviter les dérives, c'est un minimum! Sous Lionel Jospin, les députés avaient
bien tenté de plafonner les dépenses électorales de leurs «collègues»,
mais s'étaient heurtés au veto de la haute assemblée, prise à rebrousse-poil.

Comment expliquer l'origine de cette «bizarrerie»?  

Désignés au suffrage universel indirect par 150.000 «grands électeurs»
(maires, conseillers généraux, etc.), 
les sénateurs sont supposés mener des campagnes courtes et peu coûteuses,
 
ne nécessitant aucun contrôle...

Mais cette dérogation n'est plus défendue par grand monde aujourd'hui.
Dans un rapport remis en 2009 au président de l'Assemblée nationale, Pierre Mazeaud
(ancien président du Conseil constitutionnel) recommandait ainsi «l'extension» des règles communes aux sénatoriales, en notant qu'un prétendant au palais du Luxembourg, désormais, 
dépensait parfois plus qu'un candidat-député (qui débourse 10.653 euros en moyenne)...

L'ordre national des experts-comptables l'a aussi préconisé, soucieux
d'«éviter le risque d'enrichissement personnel et la corruption».  

Même le Groupe d'Etats contre la corruption (le Greco) a suggéré cette réforme, dans 
son rapport de 2009 au Conseil de l'Europe. De fait, en interrogeant plusieurs sénateurs 
(sous couvert d'anonymat),
on mesure la fréquence des dérives.

D'abord, nombre de candidats, disposant déjà de mandats locaux, usent des moyens
de leur collectivitépour faire campagne: en milieu rural 
(où la victoire suppose de parcourir des milliers de kilomètres et de visiter chaque village
pour convaincre les édiles un par un), on «emprunte» la voiture, 
voire carrément le chauffeur rémunéré par la mairie ou le conseil général;
on mobilise des fonctionnaires pour monter un dossier, mettre des courriers sous enveloppe.
«Cette hypothèse n'est pas un cas d'école, écrivait Pierre Mazeaud en 2009. 
On sait que 33 sénateurs (sur 331) sont présidents d'un conseil général, que 120 sont maires,
et que deux d'entre eux sont présidents de conseil régional»...

Ces abus introduisent des biais dans la compétition, entaillent le principe d'égalité entre candidats. 

Au fond, l'absence de contrôle est 
une prime aux barons locaux

Par Mathilde Mathieu
Médiapart

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