mardi 8 avril 2014


 
Comme une majorité de français,
je suis pour la suppression du Sénat.
Voilà pourquoi ...à vous de juger.

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Sénat : 
les énormités d'un budget qui n'a jamais été publié

Médiaparte
par Matuilde Mathieu et Michaël Hajdenberg


Les comptes du Sénat existent en deux variantes: une courte et une longue. La première, grossière et qui compile les grandes masses de dépenses, est rendue publique sur internet, autorisant le président Gérard Larcher (UMP) à déclarer que «rien ne se fait sous le manteau» au Palais du Luxembourg. La seconde, version intégrale qui répertorie les charges poste par poste, depuis les indemnités de chauffage des huissiers jusqu'aux frais de bouche du Président, est tenue au secret; elle ne circule qu'entre les mains d'une poignée de hauts fonctionnaires et d'élus désignés par leurs collègues.

C'est ce document, jamais publié, que Mediapart s'est procuré et met en ligne après six mois d'enquête au Palais du Luxembourg, où les services ont pour consigne de ne plus répondre à nos questions, où les fonctionnaires soupçonnés de nous informer se retrouvent visés par une plainte pour vols de documents et abus de confiance.
Si nous avions déjà croisé certains de ces chiffres au cours de nos précédents articles (sur les rémunérations des conseillers du Président, le train de vie des questeurs ou les bonus de pensions des dignitaires), la plupart sont inédits.
A la veille des sénatoriales du 25 septembre, ils contredisent certains arguments de campagne de Gérard Larcher, révélant une hausse du budget 2011 de sa Présidence. Mais apparaissent également au grand jour la farandole de primes des fonctionnaires «maison» (soignés par les élus en échange de leur discrétion) ou les dernières lubies des parlementaires en matière de communication multimédia.
Pourquoi faudrait-il cacher aux citoyens la destination précise des 327,7 millions d'euros versés par l'Etat au Palais du Luxembourg en 2011 (auxquels s'ajoutent 18,5 millions d'euros de fonds propres)? Dans d'autres démocraties, en Grande-Bretagne par exemple, jamais une telle opacité ne serait tolérée. En France, Gérard Larcher peut se vanter, tout au long de sa campagne sénatoriale, d'avoir réalisé «une économie de 52 millions d'euros sur trois ans» (en supprimant des «prêts logements sans intérêt», en «contractant des dépenses du parc automobile, etc. »), sans que les médias aient les moyens de vérifier, faute de documents budgétaires détaillés.

Cette formule du président, en l'occurrence, est trompeuse: les crédits de sa maison n'ont absolument pas diminué ces trois dernières années (ils sont en légère hausse); simplement, depuis 2009, la dotation versée par l'Etat au Sénat a cessé d'augmenter au rythme des années antérieures (qui aurait engendré une augmentation de 52 millions d'euros en trois ans). Le Sénat se cache derrière des artifices.
Et c'est d'autant plus facile qu'il n'est soumis au contrôle d'aucun magistrat financier. Gérard Larcher dégaine certes des mots rassurants à longueur d'interviews: «audit», «ordre des experts comptables», «Cour des comptes». Mais s'il est vrai que le Sénat se soumet depuis 2010 à un audit annuel, «réalisé sous l'égide du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables», les seules observations publiées tiennent en une page et demie.
Quant à la Cour des comptes, institution du contrôle financier par excellence (chargée depuis 2008 de fourrer son nez jusqu'à l'Elysée), le président Larcher la cite, pour faire illusion, mais ne rappelle jamais son rôle véritable au Palais. Et pour cause! Car voici comment l'institution définit sa mission, dans un mail à Mediapart:«La Cour ne contrôle pas le Sénat.»
Elle «prend acte» des comptes qu'on lui transmet, et se contente d'apposer son tampon avant publication. Les magistrats n'ont pas loisir d'apprécier l'opportunité des dépenses – ce serait contrevenir au principe d'autonomie du Parlement, juge le Sénat, oubliant un peu vite que l'Assemblée a déjà fait appel aux magistrats financiers. Le premier Président de la Cour, sollicité par Mediapart, fait d'ailleurs une offre de services au Sénat: «La Cour est à la disposition des assemblées si elles le souhaitent.» Au passage, il rappelle qu'en 2007 «le président de la République l'a demandé à la Cour (ndlr - pour les comptes de l'Elysée)» et qu'«elle l'a fait».
Sur l'opportunité des frais engagés, il y aurait sans doute beaucoup à dire, comme le suggère le document que nous publions.


Intitulé «Budget du Sénat pour 2011 - Présentation détaillée par service», il a été bouclé fin 2010. Les chiffres 2008, 2009 et 2010 sont systématiquement rappelés, ce qui permet de juger l'action de Gérard Larcher (élu fin 2008 à la Présidence). S'il n'est pas impossible que certains montants programmés pour 2011 aient bougé à la dernière seconde, c'est forcément marginal. Mediapart a choisi de zoomer sur des données significatives et jamais publiées, quitte à en laisser d'autres de côté (nous y revenons en Boîte noire).

Le tour de passe-passe de Gérard Larcher


Le budget que nous mettons en ligne permet de plonger dans la comptabilité de la Présidence, installée dans le Petit Palais, où Gérard Larcher travaille entouré de conseillers, de cuisiniers, de secrétaires, d'employés de maison... Le sénateur des Yvelines répète à l'envi qu'il a réduit de 30% son indemnité de fonction à son arrivée, supprimé des véhicules et réduit «de l'ordre de 10%» les personnels mis à sa disposition.
Dans le document de campagne qu'il a mijoté pour promouvoir sa réélection le 1er octobre, il s'auto-congratule: «Les dépenses globales de la Présidence enregistrées en 2009 ont diminué de l'ordre de 8%, écrit-il. Et celles de 2010 ont été stabilisées.» On est contraint de prendre ce chiffre pour argent comptant, puisque Gérard Larcher a modifié le périmètre comptable de la Présidence en 2009, empêchant toute vérification. Mais une chose est sûre, à la lecture de notre document: le budget accordé en 2011 est remonté de 7,5% par rapport à 2010 (à périmètre inchangé), pour atteindre 4.044.100 euros. Le patron a laissé filer les cordons de la bourse, et se garde bien de le mentionner.
Ce rebond aurait dû rester secret, en pleine campagne électorale. C'est raté. Sollicité par Mediapart, le cabinet de Gérard Larcher n'a pas souhaité s'expliquer.

Pour les «frais de déplacement du Président», c'est le même scénario: s'ils ont fortement diminué en 2009, ils ont regonflé ensuite, au point de revenir en 2011 quasiment à leur niveau de 2008 (465.000 euros, contre 498.000 trois ans plus tôt). La propagande électorale de Gérard Larcher n'en souffle mot.
D'autres chiffres, enfin, sautent aux yeux: les «frais de réception et de représentation du Président» ont augmenté d'environ 38% entre 2008 et 2011, pour approcher les 500.000 euros. En avril dernier, quand nous l'avions interrogé sur l'explosion des salaires au sein de son cabinet (par rapport à l'époque de son prédécesseur Christian Poncelet), Gérard Larcher nous avait pourtant répliqué: «Plus de neurones, moins de petits fours!» Que répondra-t-il désormais?



Les rémunérations des fonctionnaires mises à nu
Il n'y a pas que les élus qui jouissent de privilèges inconnus au Sénat. Les fonctionnaires disposent depuis 1958 d'un régime autonome, bien plus avantageux que celui des fonctionnaires classiques. Au Palais du Luxembourg, ils sont plus de 1200 à en bénéficier (les contractuels n'ont pas tous ces avantages). Pour y parvenir, ils ont réussi un concours externe et sont devenus jardiniers, agents de sécurité, ou encore directeurs des services. Leurs conditions de travail sont telles qu'une question s'impose: l'institution cherche-t-elle à acheter leur silence?
Les titulaires et stagiaires ont coûté 119 millions d'euros au Sénat en 2010 (charges sociales comprises), soit 38% des charges de fonctionnement. Mais il faut aller au-delà de ces grandes masses pour comprendre le régime si particulier que connaît l'administration du Palais du Luxembourg.
Mediapart s'est donc procuré plusieurs documents internes, qui nous ont servi de base de calcul pour reconstruire la grille salariale actuellement en vigueur au Sénat. Ce tableau des traitements (toutes primes comprises) ne laisse pas d'étonner. Les chiffres ci-dessous sont exprimés en net fiscal, et sont touchés par des fonctionnaires qui suivent un cursus normal au Sénat. Pour avoir le salaire annuel, il suffit de multiplier la somme par 12.
Rémunérations recalculées sur 12 mois sur la nouvelle base règlementaire de 165 séances supplémentaires. Rémunérations recalculées sur 12 mois sur la nouvelle base règlementaire de 165 séances supplémentaires.
Parmi les quelque 240 administrateurs, il existe même quatre postes de directeurs généraux et secrétaires généraux, tenus par les plus hauts fonctionnaires du Sénat, qui sont rémunérés environ 19.200 euros par mois en fin de carrière.
A l'opposé de l'échelle, «tout en bas», on trouve les agents. Des postes ne nécessitant pas de diplômes et rémunérés 3000 euros net par mois en début de carrière. Du coup, quand on interroge les sénateurs sur leurs rémunérations, ils manquent rarement l'occasion de pointer du doigt celles des fonctionnaires. Comme si c'était là le seul scandale.
Le président du Sénat lui-même, lorsqu'il avait reçu Mediapart en avril pour s'expliquer sur la forte hausse des salaires dans son cabinet (il en a plafonné certains après notre article), s'était permis de divulguer quelques chiffres bien sentis. Et quelques commentaires, candides: «Le Secrétaire général du Sénat gagne 20 ou 25% de plus que moi... Ce n'est pas un scandale, c'est comme ça.»

Le montant de ces traitements s'explique par une ribambelle de primes, obtenues au fil des ans. Ainsi, une prime de chauffage est versée à tous de façon équivalente. Si plus grand monde ne se souvient des raisons de sa création, beaucoup savent qu'elle est en partie indexée sur le prix du pétrole. Elle a donc flambé au cours des dernières années. Alors qu'elle s'élevait à 1500 euros par an en 2000, elle a atteint 3500 euros en 2008 et 4035 euros en 2011. Les privilèges ayant des limites, les couples du Sénat n'ont pas intérêt à se marier: ils devront sinon se partager une seule prime de chauffage (prime budgétée en tout pour 2011 à plus de 3.450.000 euros).
Et même quand les avantages disparaissent, ils sont compensés. Ainsi, dans les années 1990, le président René Monory décide d'arrêter de payer une partie des rémunérations en argent liquide, qui échappaient ainsi au Fisc. Immédiatement, une prime annuelle équivalente à deux semaines de salaire pour chaque fonctionnaire est créée.
De même, les fonctionnaires entrés au Sénat avant 1999 touchent une indemnité compensatrice individuelle (ICI). L'abattement fiscal de 20% sur leurs rémunérations ayant été supprimé à cette époque, une compensation a été adoptée. Ils seraient quelques fonctionnaires à refuser de toucher cette indemnité, au nom de l'égalité entre les plus anciens embauchés et les plus récents. Cette prime coûtera tout de même plus de 2.500.000 euros en 2011.

Mais il existe surtout toute une série d'indemnités spécifiques (pour le caviste, le service des vieux papiers, la buvette, les cuisiniers, la prime de bûcheronnage ou celle des risques et intempéries pour ceux qui travaillent au jardin, etc.). Les indemnités d'habillement (88.000 euros au budget du Sénat en 2011) sont versées alors que ceux qui exercent leur fonction en tenue reçoivent déjà deux uniformes par an. Il s'agit donc plutôt d'une prime de pressing.
Des primes de conduite sont versées, notamment aux... chauffeurs, dont on aurait pu penser que la conduite justifiait déjà leur salaire de base. En plus de leur paye, ces chauffeurs touchent une indemnité liée au nombre de kilomètres parcourus (pour un coût estimé de 281.000 euros en 2011). A se demander pourquoi les cuisiniers ne touchent pas une prime au plat mitonné.

Au vu des salaires, les retraites sont mécaniquement élevées: un agent qui a fait toute sa carrière au Sénat (ce qui est assez rare : beaucoup d'agents entrent au Palais du Luxembourg après 35 ans) touchera une pension supérieure à 3000 euros. Un secrétaire général en fin de carrière, plus de 13.000 euros.
Alors, tout en se déclarant «favorable au statut autonome de la fonction publique parlementaire», le président (UMP) Gérard Larcher se vante d'avoir mis en œuvre quelques réformes depuis 2008.

Une plus grande mobilité parmi les services a été imposée aux agents. Le temps de travail annuel a été revu à la hausse: 1607 heures. Les fonctionnaires sont passés de 12 semaines de vacances par an à 11 (5 de vacances, 6 de RTT). Les primes correspondant aux séances de nuit et aux week-ends sont remplacées par une rémunération forfaitaire mensuelle, proportionnelle aux indices des salaires. Mais les économies, sur ce point par exemple, restent assez minces. D'autant que, contrairement à ce qu'avait annoncé Gérard Larcher, même des personnels ne travaillant pas le soir et le week-end continuent de la toucher (les agents affectés au jardin ont été exclus du dispositif... mais ils touchent en conséquence une indemnité compensatrice).
Le nombre de directions est passé de 21 à 14. Mais là aussi les économies seront amoindries: pour éviter le blocage de carrière des administrateurs lié au moins grand nombre de postes de direction, un nouveau grade (avec la rémunération adéquate) est créé.
Ces changements en apparence relatifs ont déclenché un mouvement de grève inédit fin 2010 au Sénat contre la réforme. Interrogé sur le bien-fondé de cette position au vu des conditions de travail, le syndicat des fonctionnaires du Sénat nous a répondu, par mail, qu'il ne «s'opposait pas au changement par principe mais à la manière dont la réforme a été mise en œuvre».
Le Syndicat considère que «les mesures mises en place sont de nature à remettre en cause le statut spécifique de la fonction publique parlementaire, garant notamment de sa neutralité. Au risque de voir se développer un recrutement du personnel fondé sur une contractualisation politisée». Toujours selon le syndicat, concernant le temps de travail, «la réforme ne fait pas mention des repos compensateurs, des mesures protectrices pour les femmes enceintes par rapport au travail de nuit, des congés pour raisons familiales». La réforme imposerait également «une mobilité contrainte et forcée».
Le président du Sénat, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions sur ce sujet, estime lui, qu'à terme ces réformes permettront d'économiser 6 à 8 millions d'euros. Sans préciser comment il aboutit à ce chiffre, ni à quelle échéance il compte y parvenir.


Les comptes des groupes politiques hors contrôle

Comme à l'Assemblée, une part du travail législatif est abattue non par les élus, mais par les groupes politiques et leur bataillon de conseillers, qui produisent notes, amendements, éléments de langage, etc. A ce titre, le Sénat subventionne le fonctionnement des cinq structures existantes (UMP, PS/Verts, Union centriste, Radicaux, PCF/Parti de gauche). Bizarrement, entre 2008 et 2011, la somme allouée à ces groupes a bondi d'environ 38%, pour dépasser les 10 millions d'euros. Sans compter 265.000 euros d'aides à l'achat de bureautique. Pour quelle raison?
La révision constitutionnelle de 2008, censée avoir revalorisé le Parlement, aurait officiellement alourdi la charge de travail des collaborateurs (une vingtaine au groupe PS), obligeant à recruter. Difficile à vérifier. Carrément impossible au groupe UMP, qui ne publie aucun organigramme officiel de ses conseillers.
Dans ce domaine, l'opacité est à son comble: les groupes politiques ne rendent pas publics leurs comptes. Que font-ils de leur argent? Les pires rumeurs circulent. D'autant que les sénateurs, quand ils n'utilisent pas l'intégralité de leurs enveloppes «frais de mandat» (6.240 euros net par mois) ou «assistants» (7.548 euros brut), en redistribuent une partie à leur groupe politique.
En 2009, dans un rapport remis au Conseil de l'Europe, le groupe des Etats contre la corruption (le Greco) s'étonnait que la législation française sur la transparence de la vie politique «ne s'applique pas encore (...) au financement des groupes parlementaires»...
L'année suivante, au hasard d'un contrôle sur les comptes du petit parti «Alliance centriste», la commission chargée de vérifier les comptes des formations politiques en France épinglait le groupe «Union centriste» du Sénat, lui reprochant d'avoir fait transiter, par sa caisse, de l'argent du Modem vers l'«Alliance centriste» (présidée par le sénateur Jean Arthuis). Une tuyauterie «irrégulière», tonnait la Commission, toutefois dénuée de pouvoirs de sanction...

5.500 euros d'allocations chômage
Parmi les sénateurs qui seront battus aux élections du 25 septembre, cinq devraient pointer au chômage et toucher illico des allocations. C'est en tout cas sur ce chiffre de «bénéficiaires potentiels» qu'a misé le Sénat, qui a budgété «83.100 €» pour les seuls mois d'octobre, novembre et décembre 2011. L'aide prévue? Jusqu'à 5.542 € par personne et par mois (soit l'équivalent de l'indemnité parlementaire de base).

Les élus qui se retrouvent sur le carreau ne touchent pas les Assedic proprement dits (un mandat n'ayant jamais été considéré comme un travail), mais une «Allocation de retour à l'emploi» spécifique. Le site internet du Sénat décrit le dispositif dans ses grandes lignes: les anciens sénateurs peuvent y prétendre jusqu'à 65 ans (contre 60 pour les députés); les versements sont dégressifs (mais diminuent de combien par trimestre?); cette allocation peut durer trois années, y compris quand l'élu reprend une activité (le montant de ses revenus personnels est alors défalqué).
Quels moyens sont mis en œuvre par le Sénat pour vérifier que les intéressés sont en recherche effective d'emploi, comme dans le régime général des Assedic? Mystère.
Combien coûte ce système en année de croisière? Vu l'âge moyen des sénateurs en fin de mandat, sans doute pas beaucoup. Mais c'est impossible à dire avec précision. Aucun bilan n'est publié par le Sénat – alors que l'Assemblée nationale se montre transparente, ne dissimulant guère que l'identité de ses anciens députés bénéficiaires.

Une communication partielle sur la communication

Dans son document de campagne, Gérard Larcher met en avant, comme preuve de sa bonne gestion économique, la «suppression de 800.000 euros annuels de crédits à la communication et à l'événementiel». En épluchant notre document, cette baisse n'a rien d'évident. Certes, le budget des «publications et revues» du Sénat diminue de 360.000 euros entre 2008 et 2011. De la même façon, les manifestations et expositions organisées par le service Communication coûtent 280.000 euros de moins sur la période.

Mais on lit d'autres choses au fil du budget détaillé. Entre 2008 et 2011, l'ensemble du budget Communication est passé de 5 millions à 8,488 millions d'euros: la rémunération d'intermédiaires et d'honoraires en communication, quasi inexistante en 2008, s'élève en 2011 à près de 1 million d'euros; mais la forte augmentation est surtout due aux investissements audiovisuels du Sénat.
Ces derniers n'ont rien à voir avec PublicSénat, la chaîne de télévision dotée d'un budget de 16.135.000  euros (+3,2%), et qui, au terme d'investissements pluriannuels de 5.500.000 euros, disposera de nouveaux locaux au 64, boulevard Saint-Michel.
Non, il s'agit cette fois d'investissements en «matériel audiovisuel» destiné au Sénat lui-même, s'élevant à 3.770.000 euros. Gérard Larcher voulait notamment s'assurer que seraient filmées ses interventions et tout ce qui lui paraît important dans le travail parlementaire, pour diffusion sur le site internet. Depuis plus d'un an, le Sénat a donc recours à une entreprise privée, la Netscouade, qui anime les pages Facebook, Twitter et Dailymotion de l'institution, réalise chaque semaine des vidéos pluralistes, sous tutelle, pour un coût d'environ 650.000 euros.
Les petits secrets des groupes d'amitié



Le Sénat compte 78 groupes d'amitié, «instruments privilégiés de la coopération bilatérale entre les parlements», autorisés à partir en «missions». Celles-ci s'ajoutent aux voyages organisés par la commission des Affaires étrangères, qui débouchent sur de véritables rapports d'informations, liés à l'actualité.

A la lecture du budget 2011, 650.000 euros sont consacrés à ces déplacements des groupes d'amitié – sans compter les réceptions, rencontres et colloques organisés en France.
En 2011, des groupes d'amitiés ont fait des voyages en Corée, en Croatie ou encore au Tadjikistan. Nous avons choisi d'enquêter sur un exemple récent qui nous intriguait, avec l'idée d'évaluer le rapport intérêt/coût pour le contribuable. Au mois de juillet, une délégation de six sénateurs du groupe France-Vanuatu/Iles du Pacifique s'est rendue une semaine aux îles Tonga et aux Fidji. Jean-Pierre Demerliat (PS), Jacqueline Panis (UMP), Jean-Luc Fichet (PS), François Pillet (UMP), Odette Terrade (CRC) et Robert Laufoaulu (UMP) étaient accompagnés d'une administratrice (un secrétaire exécutif se déplace toujours avec les élus).
En ce qui concerne l'intérêt, nous avons dû nous en tenir aux témoignages des quelques sénateurs qui ont bien voulu nous répondre, à savoir François Pillet (UMP) et Odette Terrade (Groupe communiste républicain et citoyen). Dans un document interne que nous nous sommes procuré, titré «Groupes interparlementaires d'amitié: mémento à l'usage des secrétaires administratifs», il est pourtant précisé que: «Après un déplacement, il est désormais obligatoire d'établir un compte rendu sous la forme d'un «quatre-pages» et de le transmettre dans le délai maximal d'un mois à la division en charge des groupes interparlementaires.» Le compte-rendu est ensuite censé être rendu public.
Mais les vacances sont passées par là: le rapport n'est pas encore disponible.
En revanche, on peut consulter ceux des années passées: par exemple en 2010, le voyage à Guam, aux États fédérés de Micronésie et aux îles Marshall; ou en 2009 en Papouasie-Nouvelle-Guinée, aux îles Salomon et au Vanuatu. Un groupe «régional» peut organiser un voyage par an, contrairement aux groupes liés à un seul pays pour lesquels les déplacements doivent être plus espacés.
Pour celui de cette année, Jean-Pierre Demerliat (PS), qui, en tant que président, participe à tous les déplacements, devait nous donner à la fois le programme du voyage et son coût. Il a finalement décidé de ne rien nous fournir, au motif que nous nous intéressions trop au budget. Une curiosité qu'il a jugée mal placée.
Pendant vingt minutes au téléphone, il avait auparavant parlé«atolls», «îles volcaniques», «climat», «institutions locales», mais au moment du budget, il s'est agacé, lâchant seulement que «des sénateurs ont mis de l'argent de leur poche car le montant global dépassait le plafond autorisé».
Ledit plafond est explicité dans le mémento: pour les déplacements dont la destination est située à plus de 7 heures de Paris, la subvention accordée par la questure du Sénat peut atteindre 55.000 euros (contre 40.000 euros entre 2 et 7 heures et 20.000 euros pour moins de 2 heures).
Des efforts financiers ont été faits pour ces voyages couverts à 90% par le Sénat. Les déplacements aériens ne se font plus en première, mais en classe affaires. Les délégations ne peuvent plus être accompagnées des conjoints ou de tiers. En dehors de l'hébergement et des frais indispensables (cadeaux, interprétariat, etc.), l'indemnité journalière forfaitaire s'élève à 76,50 euros.
 Au vu du mémento, le prix de l'hôtel ne semble en revanche pas plafonné (alors que, quand une délégation étrangère est reçue à Paris aux frais du Sénat, il faut trouver un hôtel à moins de 200 euros la nuit). Odette Terrade et Jean-Marc Pillet nous ont tous deux assuré qu'ils n'avaient pas dormi dans des hôtels de luxe.
Ce groupe d'amité France Vanuatu/Iles du Pacifique compte 34 membres selon le site officiel du Sénat. Selon le mémento,«l'effectif de la délégation pris en compte pour le calcul de la subvention ne doit pas excéder le dixième de celui du groupe, ni être supérieur à sept sénateurs, président de la délégation inclus». Jean-Pierre Demerliat assure qu'en réalité 40 sénateurs font partie du groupe. Et que Robert Laufoaulu, sénateur des îles Wallis-et-Futuna, est venu «en voisin» sur son contingent de voyages annuels. Reste un sénateur de trop. «Le président se compte en plus de la délégation», explique le sénateur PS, en dépit du mémento.
Plus on est de fous, plus on s'instruit. Odette Terrade nous a vanté«les contacts avec les membres du Parlement», «la prise de conscience de l'influence chinoise», «le recul de la présence française», «la fragilité de la démocratie à Fidji», «le fait qu'aucun parlementaire français ne s'était rendu à Tonga sous la Ve République». Bref, «on ne se l'est pas coulé douce, on n'a pas eu le temps d'aller bronzer sur les plages, c'est même frustrant de ne pas avoir le temps pour les plaisirs personnels». Odette Terrade appartient à d'autres groupes d'amitié, comme l'Espagne, la Belgique, ou l'Egypte: «Ma fille a un copain égyptien, et je n'étais jamais allée en Egypte. Appartenir au groupe d'amitié m'a permis d'y aller plus facilement avec la délégation au droit des femmes.»
François Pillet aussi défend ces voyages, qui permettent de se faire«une idée indépendante de la situation politique et économique d'un pays en dehors des documents du Quai d'Orsay». Le groupe France-Iles du Pacifique, il s'y est inscrit car «sociologiquement, (il) ne connaissait rien de ces micro-Etats». «Cela permet aussi de voir quelques Français sur place», de remarquer que«l'Alliance française a besoin de plus de moyens» et de mieux«comprendre, par exemple, le réchauffement climatique».
A quel prix? «Il faut savoir ce qu'on veut. Pourquoi ne pas comparer aux sommes considérables investies par les Fédérations sportives nationales (avec des subventions publiques) pour organiser un match amical au bout du monde? Le rapport intérêt/prix, on peut en discuter des heures.»


Encore bien des interrogations


Qu'il s'agisse des grandes masses du budget ou de ses petits secrets, le document que nous publions ne remédie pas à l'opacité dont le Sénat fait preuve. Qui connaît l'étendue du patrimoine immobilier du Sénat? Qui connaît l'étendue de ses placements financiers, de sa cagnotte? Qui connaît le fonctionnement exact de sa caisse de sécurité sociale? Ce budget ouvre des pistes.


Tant reste à dire.

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