Maintenant, François Hollande
Par Edwy Plenel
Elle est surtout provisoire
tant que la gauche,
ne sera pas assurée d’une majorité
parlementaire.
C’est pourquoi le temps est déjà compté :
il faut agir, agir vite et nettement, afin de créer cette dynamique
démocratique et sociale sans laquelle le changement ne peut susciter
l’adhésion et la confiance.
Invitation à l’action en forme d’adresse au nouveau président de la République.
... vous voici élu président dans l’un de ces moments historiques où la gauche a rendez-vous avec son destin. Car il ne s’agit pas, cette fois, de gérer en s’adaptant aux circonstances, mais de refonder, de réparer et de réinventer.
Refonder
la République, réparer la France,
réinventer l’Europe,
oui, rien que cela, et tout cela à la fois.
réinventer l’Europe,
oui, rien que cela, et tout cela à la fois.
… Celles du « nous » démocratique, par opposition au « je » bonapartiste.
C’est sur la perte de ce « nous » que prospèrent les idéologies du rejet et de la hiérarchie, de l’exclusion et de la séparation, de l’identité fermée et de la frontière close. Et la culture politique diffusée par le présidentialisme, qui réduit le choix de tous à la confiance en un seul, est le meilleur allié de cette régression démocratique tant elle rend les citoyens spectateurs de leur propre dépossession : une politique à distance, une politique professionnelle et lointaine, une politique entre experts et initiés, une politique de cour et de courtisans, voire de mercenaires et de corrompus.
Nul hasard, de ce point de vue, si l’hyperprésidence sarkozyste s’est conclue par une charge contre les corps intermédiaires : cette politique dévitalisée et discréditée est le marchepied des sauveurs et des bonimenteurs.
Fable du pompier incendiaire, elle appelle un chef omnipotent en lieu et place du peuple souverain qu’elle s’est ingéniée à diviser, démoraliser et démobiliser.
A l’inverse, en prenant peut-être mes désirs pour des réalités – seule la suite le dira –, ce qui me semblait vous distinguer dans le personnel politique, à l’époque où vous dirigiez le Parti socialiste, c’était cette sensibilité démocratique, au-delà de vos orientations stratégiques et choix tactiques, évidemment sujets à débats ou à désaccords.
« La République est le gouvernement de tous par tous » : vous invitant en 2004 à persévérer dans cette voie, j’avais rappelé ce Manuel républicain rédigé en 1871 à la demande de Gambetta par Jules Barni, un philosophe qui est aussi l’auteur d’un essai toujours jeune, La Morale dans la démocratie.
Rappelant des évidences piétinées par le cynisme politicien, par exemple que « la vertu est le fondement du gouvernement républicain, comme la peur est celui du gouvernement despotique », ce Manuel souligne qu’une République sans vertu civique
« cesse d’être la chose de
tous pour devenir la proie des intrigants ou des ambitieux,
exploitant au profit de leurs convoitises la portion de pouvoir qui
leur est dévolue ».
"Devoirs de vérité."
« Ce avec quoi il faut en finir, ce n’est pas l’élection du président de la République au suffrage universel, c’est le narcissisme démocratique – cette identification du pouvoir à un seul d’entre nous », répondiez-vous alors à mes questions insistantes sur le rapport de la gauche au pouvoir, dans le jeu contraint des institutions de la Cinquième République. Loin de vous dérober, vous ne vous faisiez pas prier pour critiquer « cet usage répété du “je” plutôt que du “nous”, la mise en scène de sa personne comme une offre politique à elle seule, ce narcissisme érigé en doctrine qui identifie le pouvoir à celui qui le désire le plus ».
Désacraliser la fonction présidentielle
… Mais sur le fond, nous aviez-vous répondu, vous ne retiriez rien de ce que vous m’aviez répondu, en 2006, dans un livre de dialogue, intitulé à votre demande"Devoirs de vérité."
« Ce avec quoi il faut en finir, ce n’est pas l’élection du président de la République au suffrage universel, c’est le narcissisme démocratique – cette identification du pouvoir à un seul d’entre nous », répondiez-vous alors à mes questions insistantes sur le rapport de la gauche au pouvoir, dans le jeu contraint des institutions de la Cinquième République. Loin de vous dérober, vous ne vous faisiez pas prier pour critiquer « cet usage répété du “je” plutôt que du “nous”, la mise en scène de sa personne comme une offre politique à elle seule, ce narcissisme érigé en doctrine qui identifie le pouvoir à celui qui le désire le plus ».
Si je cite longuement ces propos d’il y a six ans,
c’est parce qu’ils résonnent comme autant d’engagements
ignorés par les médias dominants, tellement le présidentialisme,
et sa servitude volontaire, leur est devenu une seconde nature, alors
qu’il conviendrait, aujourd’hui plus que jamais, de vous les
rappeler avec force. « Si on ne désacralise pas la
fonction présidentielle, on ne rétablira pas la fonction
démocratique », disiez-vous carrément dans ces
Devoirs de vérité, après avoir confié :
« Je ne partage pas la conception d’un
président qui ne s’appartiendrait plus, d’un chef de l’Etat
qui serait investi d’une mission qui le dépasserait à un tel
point qu’il échapperait à sa condition humaine, devenant
finalement intouchable, au nom même de la protection des intérêts
de la France. »
« Le problème en France,
insistiez-vous encore,
c’est que l’on a sanctuarisé le pouvoir et
celui qui l’exerce au sommet de l’Etat. (…) Nous faisons comme
si la majesté du pouvoir était la majesté du peuple. Elle n’est
hélas que le vestige d’un ordre ancien. » Et,
pour finir, voici votre conclusion qui enfonçait le même clou :
« Une authentique culture démocratique ne se réduit
pas à la sélection d’un ou d’une candidate. C’est le projet,
c’est le contrat, c’est la politique qui crée la dynamique.
C’est le collectif qui porte l’individuel. (…) Une ambition qui
ne se partage pas finit toujours par s’égarer dans l’aventure,
l’échec ou l’impasse. Un pays ne se transforme pas par les
intuitions d’un seul, fût-il investi par le suffrage universel. »
Tels sont les mots qu’il vous faut aujourd’hui
transformer en actes. Non pas seulement en symboles éphémères,
mais en déconstruction durable d’un présidentialisme
hypertrophié, méprisant la séparation des pouvoirs et piétinant
l’autonomie des contre-pouvoirs, afin de reconstruire une
démocratie vivante qui redonne confiance et crédit à nos
concitoyens dans leur avenir commun et dans la politique pluraliste
qui en décide et en délibère. La normalité que, candidat, vous
avez revendiquée recouvre cette exigence d’une présidence
désacralisée et, de ce fait, exemplaire car rendue à la vertu
publique :
celle de
l’égalité républicaine, de l’égalité des droits et des
possibles, contre le règne de l’exception et du privilège.
Dans notre dialogue de
2006, vous rappeliez la formule terrible de François Mitterrand sur
ces institutions dangereuses avant lui et qui le resteraient après
lui.
Et vous ajoutiez, en
commentaire de cet aveu d’échec ou d’impuissance après quatorze
années de présidence :
« Aujourd’hui,
rien ne nous assure que le pouvoir fera
un bon usage du mandat qu’il
a reçu. »
Autrement dit, aucune
garantie véritable ne nous est donnée par nos institutions sur le
contrôle du pouvoir et de son exercice.
Et il peut arriver, hier – nous en avons eu la preuve depuis 2007 –
comme après-demain – qu’en sera-t-il de la droite extrême en 2017 ? –,
qu’il tombe entre de mauvaises mains …
Et il peut arriver, hier – nous en avons eu la preuve depuis 2007 –
comme après-demain – qu’en sera-t-il de la droite extrême en 2017 ? –,
qu’il tombe entre de mauvaises mains …
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